Article paru dans la Tribune de Genève le 31-10-2019
Le retour du train fait du bruit au bord de la Seymaz
Léman Express À Chêne-Bougeries, les riverains du pont ferroviaire s’inquiètent du vacarme constaté lors des tests de circulation. Une pétition tourne.
C’est une distinction dont ils se seraient bien passés. Sur une bonne dizaine de kilomètres du Bachet-de-Pesay aux abords de la gare d’Annemasse, la nouvelle voie ferroviaire CEVA est entièrement couverte, à l’exception d’un tout petit bout de 52 mètres. Qui jouxte leurs habitations! Alors que les essais de circulation de trains ont débuté sur le tracé, une pétition circule dans le quartier.
On se trouve ici aux confins de Chêne-Bougeries et Chêne-Bourg, deux communes séparées par la Seymaz. Entre le souterrain menant aux Eaux-Vives et celui aboutissant à la gare de Chêne-Bourg, toute proche, la paire de voies franchit la rivière sur un pont qui n’est protégé que par des petits murets antibruit à hauteur de taille et, au-dessus, par le second étage de l’ouvrage qui permet à la Voie verte d’enjamber le même vallon. En amont se trouve un lotissement de villas alors qu’en aval se trouve un quartier dense d’immeubles, avec des arcades. Le secteur était déjà habitué au trafic ferroviaire: avant le chantier CEVA, il était sillonné par une voie SNCF en plein air, desservie par la fameuse Micheline.
«C’est épouvantable!»
«Elle passait à l’air libre une fois par heure, rappelle Viviane, résidente de longue date. Lors des essais d’hier, on a eu des passages fréquents. On entend arriver le train depuis Grange-Canal. Mais c’est pire dans l’autre sens, quand, ayant quitté Chêne, il est en plein élan en franchissant la Seymaz: c’est épouvantable! Il y a des effets de caisse de résonance. On ne s’y habituera pas.»
«Ce pont sans protection pose un problème de sécurité car des objets peuvent être jetés sur les trains depuis la Voie verte, relève Linda, une autre voisine. Couvrir l’ouvrage ne devrait pas être si cher: il est bref. Et le quartier est très peuplé, contrairement au val d’Arve, où le pont a été couvert.» Les commerçants du coin se plaignent moins. Dans certaines arcades, on dit même ne rien avoir entendu des essais. Mais dans cette entreprise de systèmes d’arrosage dont les bureaux donnent directement sur les rails, on dit que le vacarme empêche de se concentrer lors du passage d’un convoi. On redoute la mise en service du Léman Express, le 15 décembre. Il y aura dès lors six trains par heure et par sens en journée. Le week-end, un trafic nocturne est prévu.
Adressée aux CFF ainsi qu’aux autorités cantonales et communales, la pétition estime que les pronostics de bruit évalués lors de la planification seront sans doute dépassés. Jugeant les actuels murets antibruit inefficaces, les signataires demandent une couverture latérale, mais aussi des protections sonores sur les parois des tunnels aux abords des émergences ainsi que sous les rails. Le tintamarre perçu est décrit comme intenable: impossible de dormir ou de poursuivre une conversation au passage d’un train si on a sa fenêtre ouverte, illustre l’argumentaire. Mais du côté des officiels, on note que les mesures qui font foi sont celles prises dans des édifices fermés, pas dans le jardin.
Normes respectées
Maîtres d’ouvrage du chantier avec le Canton, les CFF expriment leurs «regrets pour les désagréments induits par la circulation des trains». Mais leur porte-parole ne laisse guère d’espoir aux riverains dérangés. «Le pont sur la Seymaz fait cependant déjà l’objet de mesures antibruit, qui vont au-delà du cadre légal, répond Frédéric Revaz. Des écrans antibruit y ont été installés afin de diminuer les nuisances sonores pour le voisinage. Les normes actuelles, très strictes en matière de protection contre le bruit, sont donc respectées et cela a été validé par l’Office fédéral des transports. Durant la phase de planification, l’Office a d’ailleurs rejeté les oppositions sur ce projet.»
Le chef du département cantonal des Infrastructures adopte une position plus conciliante. «Serge Dal Busco est attentif à ces préoccupations et il a l’intention de rencontrer prochainement les riverains afin de les entendre, annonce Roland Godel porte-parole. S’il y a des possibilités d’améliorer leur situation, il les examinera attentivement avec les experts.»
Article de Marc Moulin paru dans la ©Tribune de Genève du 31 octobre 2019